Entretien avec Laurent de Vargas, auteur de « Histoire Mystérieuse des Templiers »

"Les Templiers étaient coupables... mais pas des crimes dont le roi les a accusés !"

Question : Dans l’affaire des Templiers, Philippe le Bel voulait-il défendre la foi ou bien s’emparer des richesses du Temple ?

Réponse : Ni l’un, ni l’autre. Philippe le Bel s’est servi du prétexte religieux mais ses motifs véritables étaient politiques. Aux yeux du roi de France, les Templiers étaient coupables... mais pas des crimes dont il les a accusés !

L’ordre du Temple devenait dangereux car c’était un ordre militaire puissamment armé.

À la même époque, le roi ne disposait pas d’une armée permanente. Ses vassaux lui devaient le service militaire pendant 40 jours par an, pas un de plus. Et il fallait souvent plus d’un mois pour réunir l’ost. Les Templiers, eux, étaient opérationnels en quelques jours seulement.

Philippe craignait cette armée, installée dans son royaume et désœuvrée depuis la perte de la Terre sainte. Il craignait aussi le pape, qui avait autorité — au moins nominalement — sur le grand-maître.

Le pape s’est pourtant montré très docile vis-à-vis de Philippe le Bel lorsqu’il a fait arrêter les Templiers.

Clément V a fait preuve d’un faiblesse certaine. Mais un autre pape a inspiré au roi ces terribles craintes : Boniface VIII.

Quand l’affaire du Temple se déclenche en 1305, Boniface est mort depuis peu et le souvenir de ses prétentions théocratiques est encore très vivace. La querelle Boniface VIII-Philippe le Bel avait failli provoquer un schisme.

Philippe le Bel avait envoyé Nogaret, son secrétaire, à Anagni, arrêter le souverain pontife afin de le traduire devant un concile pour hérésie. Boniface, quant à lui, s’apprêtait à excommunier le roi.

Arrivé dans les appartements du Saint-Père, le cardinal Colonna, vieil ennemi de Boniface, l’a giflé. Les habitants du petit village ont finalement réussi à délivrer le pape ; mais Boniface VIII, qui était un vieillard, est mort fou, le mois suivant.

"Si Boniface avait survécu, il aurait pu ordonner aux Templiers d’arrêter le roi"

Et qui les Templiers soutinrent-ils ? Boniface VIII ou Philippe le Bel ?

Dans ce climat de tension, les Templiers, comme tous les autres religieux de l’époque, étaient pris entre deux feux, ne sachant quel parti prendre.

Officiellement, ils restèrent neutre. Mais il semble que leur cœur penchait du côté de Boniface, à qui ils envoyèrent de l’argent malgré l’interdiction royale.

Si Boniface avait survécu, il aurait très bien pu, en riposte à la tentative de Philippe, donner l’ordre aux Templiers d’arrêter le roi. Il en était parfaitement capable, croyez-moi !

Mais alors, le reniement de Jésus et les autres crimes qu’on leur a reprochés au cours du procès... Tout cela était-il faux ?

C’est là que le mystère du Temple s’épaissit. Les dénonciations qui conduisirent le roi à engager la procédure provenaient de personnages particulièrement vils, ce qui permet de douter de leur sincérité. Mais les aveux obtenus par la suite sont tellement accablants que l’historien reste perplexe.

Il existe un fond de vérité dans les aveux des Templiers. Je suis convaincu qu’ils reniaient Jésus à leur entrée dans l’ordre, peut-être en imitation de saint Pierre. Cela devait se savoir et cela a facilité le travail de l’inquisiteur.

Concernant l’adoration d’une idole par exemple, j’aurais plutôt tendance à croire que c’est le produit de la torture.

La « question », comme on l’appelait, a tout faussé. Comment distinguer les vrais aveux de ceux qui ont été arrachés par la violence ?

Mais la torture peut-elle expliquer tous les aveux ?

Non, car tous les frères n’ont pas été torturés : c’est établi avec une parfaite certitude. Le grand-maître Jacques de Molay fait partie de ceux qui ont échappé aux tourments.

Par ailleurs, des aveux obtenus sous la question sont généralement stéréotypés. Au contraire, lorsqu’on étudie ceux des Templiers, on constate qu’il n’y a pas deux aveux identiques.

Vous parlez aussi d’aveux fabriqués...

C’est une hypothèse tout à fait sérieuse. Jacques de Molay a manifesté un tel étonnement quand on lui a lu la relation de ses aveux, que l’on est conduit à se demander s’il a vraiment été interrogé.

"Quand cet homme a affirmé avoir retrouvé le trésor, personne ne l’a cru !"

Pour terminer, un mot sur le trésor ?

On l’a beaucoup cherché mais on ne l’a jamais retrouvé. Philippe le Bel s’est plaint qu’il avait disparu.

Un homme a prétendu l’avoir découvert, mais personne ne l’a cru ! Depuis, l’État a fait mener des recherches secrètement. Mais il semble qu’elles n’aient abouti à rien.

Je ne serais pas étonné que les richesses que cet homme dit avoir vues soient toujours dans le lieu qu’il a décrit avec beaucoup de précision...

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